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* Projet de recherche doctoral *

Le jeu est une situation volontaire de plaisir, de création et de dépense libre, aux antipodes d’une activité annexe, séparée et détentrice de sa propre fin, il constitue un moyen d’existence optimiste, un organisme complet, riche et cohérent, un espace-temps exacerbant la capacité humaine à être libre dans son être, son rapport au monde et son rapport à autrui.

Que peuvent donc avoir à faire ensemble architecture et jeu?

Aujourd’hui, la pratique architecturale courante est réduite, parfois jusqu’à l’absurde, à la gestion d’une juxtaposition de différents domaines de compétences spécialisés et cadrés par des problématiques techniques et législatives.

En marge du mode d’exercice conventionnel émerge pourtant une multitude de pratiques créatives, engagées et originales, comme si la force d’invention humaine, tellement contrainte d’un côté se développait inévitablement de l’autre.

Considérer le jeu dans son essence permet de le trouver là où on ne le nomme pas, toujours auprès de l’homme libre et créatif.

Employer ce thème comme filtre de lecture constitue un point de départ critique permettant de débusquer les situations de projet au cours desquelles la hiérarchie entre les valeurs habituelles est abolie, les constructions sociales sont remises en question, les moments sont vécus comme fin et non plus comme moyen, le savoir fait place aux sens et à l’imaginaire.

Que pourrait caractériser une pratique architecturale ludique?

* la situation

Citant Huizinga, les mouvements lettristes et situationnistes semblent les premiers à faire clairement mention du jeu tel un mode d’action devant être intégré dans la vie, en tant qu’élément créateur de liberté. Dès 1955, ils font le lien entre jeu et architecture, dans l’article de Guy Debord « l’architecture et le jeu » du bulletin Potlatch.

La mise en place volontaire d’une « situation » est ce qui caractérise la démarche de certains groupements d’architectes actuels. Cette particularité implique en effet de considérer le projet non comme une fin, un objet voir une image formant l’épilogue durable d’une démarche, mais comme le support permettant de mettre en place un moment. Il s’agit pour ces architectes d’observer la multiplicité des présents qu’est capable de générer une architecture, et d’en tirer parti. La temporalité de ces architectures est à ce point de vue primordial, que ce soit en mettant l’accent sur le moment précis de l’élaboration d’un projet, ou en limitant la durée de vie de l’objet architectural. En se libérant du poids du durable, il n’est alors plus question d’habituel, d’utilité, de rentabilité, de quotidien, de contraintes ou de repères, mais d’invention dans le temps présent.

Que se joue-t-il dans l’architecture considérée en tant que support d’instants vécus?

* la joyeuse dépense

A travers leur intérêt commun pour le potlatch, les situationnistes et Marcel Mauss font le lien entre jeu et don. Le potlatch est une célébration collective et festive pratiquée dans des sociétés primitives d’amérique du nord-ouest, associée à un moment ponctuel d’échanges multiples, et prenant place au sein d’un vaste système de relations entre groupes sociaux. Pour Mauss, la force de cette pratique réside dans le fait qu’il s’agisse d’un système relationnel basé sur des échanges infinis, et non plus d’un don unilatéral, asservissant celui qui le reçoit.

Un certain nombre de pratiques architecturales contemporaines emploient le don comme phase d’un vaste échange humain symbolique. Elles ont en effet fréquemment pour origine des initiatives personnelles et sont rarement rémunératrices pour les agences. Elles peuvent être considérées comme l’amorce optimiste de la mise en place de nouveaux échanges humains: un espace-temps offert, souvent festif, qui générerait à son tour une réaction créative. Ces architectes se font donneurs au sens explicité par Mauss: non pas généreux et désintéressés mais plutôt dans l’attente d’un retour et de la poursuite d’un échange.

Qu’espèrent donc ces architectes, à l’image des lettristes diffusant gratuitement leur bulletin précisément nommé Potlatch, et attendant en retour la réaction des lecteurs et la constitution d’un groupe révolutionnaire?

*déconstruction/réinvention/subversion

La base d’un jeu nécessite la création de nouvelles règles, au moins momentanées. Cette invention n’est possible que dans un détachement par rapport aux règles préexistantes. Tel le non-savoir de Georges Bataille, le gai-savoir de Friedrich Nietzsche ou les pratiques doxiques d’Anne Cauquelin, ces pratiques architecturales constituent des moyens de se placer au sein du monde de façon particulière, et permettent de déconstruire la facilité des raisonnements usuels, et l’autocensure de l’imaginaire qui en découle. Différents architectes s’attachent à critiquer les normes et les limites, se les rapproprient et les détournant en les redistribuant de manière inventive.

Comment intégrer la nécessité des règles souples, changeantes et non figées, à la constitution d’un projet d’architecture ?